Une éducation pour chaque groupe social

Photo des manifestants déguisés envoyée par une amie

Continuation de l'article "Le Chili se réveille"
Avant 1980, le système éducatif était constitué d’écoles publiques financées où allait la majorité de la population et d’ un pourcentage mineur d’écoles privées de confession catholiques en majorité. Le Ministère de l’Éducation était le responsable des programmes scolaires, l’administration des écoles publiques et le salaire des professeurs.
La stratégie du gouvernement militaire a consisté à reduire le niveau de politisation de l’Éducation passant l’administration des écoles publiques aux municipalités. Le Ministère restait responsable de l’organisation des contenus des programmes et de l’évaluation. D’autre part, pour stimuler la compétition entre les écoles, elles recevaient de l’Etat, une somme d’argent pour l’assistance mensuelle des élèves. Parallèlement, pour diversifier l’offre des projets éducatifs pour que les familles puissent choisir les projets selon leurs intérêts, a été créé l’école subventionnée. Cette école correspondait à une initiative privée avec un contrat avec l’État qui l’obligait à appliquer le programme officiel et pouvant rajouter des activités ou contenus propres respectant la Constitution et les normes de la République.
Rapidement les entrepreneurs ont réagi en constituant des sociétés commerciales pour créér des écoles subventionnées. L’école publique recevait 90% de la population en 1980 et  30% dans les années 2010. La différence, c’est à dire 60% des enfants et jeunes en âge de scolarisation ont commencé à frequenter l’école subventionnée.
Le grand succés de l’école subventionnée est dû au bénéfice que recevait l’entrepreneur. Pour chaque élève effectivement inscrit et qui assistait régulièrement à l’école, le propriètaire recevait un montant d’argent. Ainsi, un entrepreneur cherchant à rentabiliser son établissement scolaire inscrivait des élèves le matin et l’après-midi[1]. Ensuite, le soir, il ouvrait les locaux pour l’enseignement d’adultes[2]. L’école entrait dans le système de marché et l’éducation devenait une marchandise pour un prix fixé par l’État. Dans la révolte des lycéens de 2006, ils dénonceront les entrepreneurs privés qui ont profité du système sans réinvestir dans les établissements pour améliorer les conditions.
Plus qu’un investissement de l’Etat en matière d’éducation nous pouvons considérer aujourd’hui cette initiative comme une réduction de sa fonction publique. En plus, un élément qui perturbe la totalité du système éducatif chilien y compris celui des écoles subventionnées est le système de sélection. C’est à dire, au moment de l’inscription,  les élèves passent une selection selon des critères imposés par chaque école, et l’éducation devient un droit selon le mérite et non plus un droit inhérent à une société de droits. Par exemple, quelques écoles catholiques pendant un certain temps sélectionnaient les enfants issus d’un mariage en église, si l’enfant était baptisé etc ; les écoles d’élite sélectionnent les élèves qui montrent dès 3 ans une bonne capacité pour l’apprentissage, un bon niveau d’adaptation collective, un bon niveau de language socio-affectif, une autonomie emotionnelle, psichomotrice etc... et l’école publique, en revanche ne fonctionne pas sur ce système de sélection, et se voit absorber la population qui «  n’a pas de chance »....Dès le berceau, les inégalités sont imposées. Le droit à l’éducation n’est même pas un droit !
Nous sommes depuis des années témoins des écoles d’élites qui profitent de cette situation demandant aux parents une participation financière pour accéder aux épreuves d’admission. Si la famille souhaite donner le meilleur à ses enfants, c’est à dire une éducation de qualité, ils doivent payer un droit d’inscription aux examens d’entrée dans 3 à 5  écoles pour être sûrs d’avoir une place. La carrière pour devenir un « futur professionnel » commence dès le berceau et par la suite dans les jardins d’enfants. Les parents des quartiers favorisés envoient leurs enfants dans des jardins d’enfants privés avec l’exigence que les  éducatrices préparent les enfants aux épreuves d’admission (3, 4 ans). Vous pouvez imaginer l’angoisse des parents les jours J où leur enfant doit se présenter avec ses - à peine 4 ans, pour passer une sélection pour pouvoir entrer à l’école. Tout petit, les chiliens apprennent que la vie est  une compétition, qu’il faut gagner sur l’autre. C’est un terrible apprentissage pour les enfants , mais la structure de la société chilienne repose sur cette mécanique et cette mécanique a déja formé une génération d’adultes qui sont jeunes parents aujourd’hui.
Entrer dans une école de prestige assure l’avenir des enfants soit par les apprentissages acquis ou par les liens crées. Ces écoles, très souvent catholiques, montrent avec orgueil leurs lauréats et les carrières que suivent leurs anciens élèves. Formant un réseau des « alumni » les chiliens se reconnaissent issus d’une même tradition qui les réunissent. La plupart des présidents de la république, députés et sénateurs viennent de ces écoles d’élites.
Depuis la naissance de la République en 1810 l’intégration des chiliens se faisait dans l’école publique et beaucoup de professionnels d’excellence sont sortis de ces salles de classes.  L’école subventionnée est un phénomène nouveau dans l’histoire du Chili. Le dispositif mis en place introduit l’idée du marché commercial dans le système scolaire : les familles peuvent  choisir la meilleure école pour leurs enfants en fonction des résultats dans les évaluations nationales ou des projets pédagogiques[3].
L’école subventionnée a créé une distorsion dans le système scolaire par le fait d’introduire l’idée de la qualité sans jamais définir ce concept. D’ailleurs, la population a vu dans cette école la possibilité de trouver une ambiance scolaire autre que celui de son quartier. Le modèle a subi aussi des transformations considérant une contribution payante des parents comme une forme de participation à l’éducation de leurs enfants.
Ce que nous pouvons constater après tant d’années d’expérimentation, c’est que l’école subventionnée est devenue une institution qui fomente et cultive les inégalités sociales et culturelles en fonction de la sélection des élèves et de la capacité des parents de s’investir financièrement. Le discours officiel signale qu’une famille qui collabore  avec les frais de scolarité aide à la réussite de ses enfants. Même si chaque année, l’État investit des grosses sommes d’argent, les résultats nous montrent un pays à 3 vitesses, selon l’école où  vont les enfants : Premièrement, les écoles privées, qui continuent à sélectionner et qui reçoivent les enfants qui ont un capital économique et culturel plus important. Deuxièmement;  l’école subventionnée qui recoit les familles de la classe sociale moyenne qui essaient de financer tant bien que mal le coût afin de prétendre a un enseignement de qualité. Troisièmement ; l’école publique qui reçoit ceux qui n’ont pas le choix. L’Église Catholique a investi énormément dans les quartiers défavorisés en construisant des écoles subventionnées, mais l’école publique est restée dépourvu d’un projet éducatif et culturel. Pour éviter de disparaître, elle doit être en mesure de montrer les mêmes niveaux d’apprentissages que les autres écoles. Promesse pour l’instant impossible à atteindre. Les pauvres non pas la chance de choisir leurs écoles. Le destin est marqué dès leurs origines.
En 2006[4], pendant le premier gouvernement de Michelle Bachelet, les lycéens ont fait basculer le système politique démontrant la mercantilisation de l’éducation qui s’est rendu aux lois du marché. Pendant un mois ils ont protesté dans les rues jusqu’à demander une nouvelle loi d’éducation. Ils était très sensibles au fait que l’éducation restait un produit de consommation plus qu’un droit.
La technocratie pensait que l’éducation consistait seulement à perfectionner la distribution des livres, à offrir des ordinateurs, à améliorer les réseaux d’internet et avoir des bons résultats dans les évaluations. La compétition dans le domaine de l’éducation marginalise  systématiquement  les plus pauvres.
La situation des enseignants liée au phénomène de la mercantilisation de l’éducation nous montre une précarisation de la profession. La société s’est habitué à être considéré comme un client qui exige toujours un produit de qualité. Les résultats des évaluations nationales qui devaient servir pour que les écoles réalisent les adéquations nécessaires est devenu une échelle pour établir le ranking des meilleurs établissements. En plus de stigmatiser les écoles comme mauvaises, les professeurs recoivent aussi le même jugement.
D’autre part, l’enseignement supérieur a vécu les mêmes transformations que l’école. L’État a reconnu les universités traditionnelles créée avant 1980 avec un financement permanent. A partir de cette date l’initiative des particuliers a donné lieu à l’apparition des universités privées reconnues par l’Etat. Pour recevoir une contribution de l’État elles doivent inscrire dans leurs programmes de formation les meilleurs élèves selon les résultats de l’épreuve de sélection[5].
La formation supérieure est payante pour tous les élèves. Pour aider les jeunes à payer les frais l’État se porte garant vis-à-vis des crédits qu’ils doivent engager avec la banque privée. Cette mesure a permis à plusieurs générations des jeunes d’étudier, mais malheureusement avec un niveau très fort d’endettement. Parfois, ce niveau engage les projets familiaux comme acheter une maison, avoir un enfant ou évoluer professionnellement. En 2011, les étudiants universitaires ont provoqué une paralysie du système demandant des solutions. Pour les plus pauvres l’éducation universitaire est très loin de leurs horizons. Le deuxième gouvernement de Bachelet a créé un système de financement gratuit en fonction du niveau des revenus familiaux.


[1] À cette époque l’école fonctionnait en raison d’une demi-journée : un groupe des élèves le matin et un autre l’après-midi.
[2] Des investisseurs en éducation propriétaires d’établissements scolaires rentabilisent leurs biens en recevant le maximum d’élèves. La subvention d’un élève du primaire été différente d’un élève du secondaire et des adultes. Les études montreront que les écoles des enfants en difficulté d’apprentissage ont eu une augmentation sans mesure. Ces écoles recoivent une plus grande subvention.
[3] Chaque école recoit une permission comme collaborateur de l’État suivant le même programme scolaire et ayant le droit à rajouter une spécificité propre à leurs charte éducative.
[4] La dernière loi de la dictature, un jour avant de quitter le gouvernement était celle d’éducation. Pendant 16 ans, le pays n’avait touché cette loi. Le mouvement des lycéens l’ont fait possible.
[5] À différence de la France, le Chili n’a pas un Baccalauréat. La licence du secondaire est obtenu pour le seule fait de réussir la dernière année de Terminale. L’ensemble des universités ont créée une épreuve nationale qui sélectionne les meilleurs élèves (PSU). Cette épreuve montre que les meilleurs élèves sont issus des écoles privées.

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