Le Chili se réveille…
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Image apparue dans les médias d'un million des manifestants à Santiago. |
Très choqués par les
images qui arrivent du Chili comportant des actes de vandalisme dans la ville
de Santiago et la présence des militaires dans les rues, nous nous demandons
d’où vient cette montée de violence[1].
La goutte qui a débordé du
vase : l’augmentation de $30 le tarif du métro[2],
le principal moyen de transport et sur lequel se construit le réseau de la
capitale. Le métro depuis le début des années 70 a été apprécié comme un bijou
de notre modernité chilienne. Il rassurait les passagers comme un moyen de
transport élégant, efficace et propre. Il nous a distingué parmi les pays de l'Amérique
de sud pour ces caractéristiques modernes.
Nous sommes conscients
que depuis plusieurs années le Chili cache une situation de crise qui un jour
devait exploser. Ayant quitté le Chili il y a environ 6 mois, nous connaissons une
série d’éléments qui pourront guider votre réflexion, si cela vous intérresse. Appuyés
sur notre histoire de vie familiale, de travail, et vie culturelle, nous traversons
les principaux évènements vécus pour poser des questions éthiques, politiques
et culturelles.
Cette réfléxion est écrite
parfois plus avec le coeur et à d’autres moments avec plus de recul. Nous avons
commencé à le rédiger tout au début de la crise encore sous le choc des images
et des messages radios et wattsapp de la famille et de nos amis. Trois semaines
se sont déjà écoulées et le mouvement social continue dans les rues. Nous
pensons que cette crise n’est pas propre au Chili. Nous constatons que beaucoup
de pays dans le monde sont confrontés à des situations de légitimité du
pouvoir, des inégalités sociales et la domination des uns sur les autres, tous
des phénomènes qui entraînent la violence mais sont aussi un sursaut d’une
population qui rejette la corruption, les injustices, et qui souhaite au plus
profond être respecté dans leurs droits humain fondamentaux.
Comme citoyens du monde nous
cherchons à contribuer avec un regard qui prenne en compte le message des plus
démunis. Nous espérons aussi que ces mots soient porteur de paix et d’espérance.
Au moins, nous en avons besoin et notre famille et nos amis du Chili aussi.
Un peu d’histoire...
La fête du peuple qui tourne en pleurs.
Le Chili d’aujourd’hui est bien différent de
celui des années 60[1]
qui avait connu une grande effervescence et participation populaire. En effet,
la décennie qui avait précédé l’arrivée au pouvoir du président Salvador Allende
était marqué par un mouvement qui cherchait à accélérer les transformations
sociales. La précarité des campagnes attirait une masse de population dans les
villes sans avoir les conditions de santé et de logement.
Vivant dans les périphéries de Santiago avec
un travail modeste les nouveaux arrivés essayaient de participer de la richesse
d’une ville en expansion.
L’État n’était pas en mesure de répondre aux
besoins de ces habitants qui commençaient à construire de vrais quartiers, sans
eau, électricité et services de base.
Une première action pour changer cette situation a été « la réforme de la
terre ». La terre appartenait aux grands « patrons » où vivaient
les petits paysans qui travaillaient pour eux. Cette distribution de la terre
pour ceux qui n’avaient rien était un nouveau signe d’une transformation politique
et sociale qui devait se poursuivre.
Le gouvernement socialiste de Salvador Allende[2]
représentait l’arrivée d’une illusion pour les groupes sociaux plus défavorisés.
L’expérience a mal tourné à la suite de la radicalisation des mesures
économiques du gouvernement qui affectait la propriété privée et l’installation
de la lutte de classes. Salvador Allende et sa coalition représentait seulement
un secteur du pays : la classe ouvrière et les petits paysans. Le pays
vivait une division entre ceux qui souhaitait avancer vers une société plus
égalitaire et la peur des secteurs plus accommodés de perdre leurs positions sociales
et leurs privilèges. Le coup d’Etat dirigé par les militaires et fortement
orchestré par les États-Unis a rompu la vie démocratique du pays et une
dictature imposait un régime qui a duré 17 ans.
Cette dictature militaire gouvernait avec un
bras de fer et dans un premier temps s’est dédiée à effacer tout type de
diffusion et communication des idées marxistes. Pinochet avait promis d’éviter
que le Chili se transforme en la nouvelle Cuba de l’Amérique du Sud. Les
principaux dirigeants des partis politiques de gauche ont été exilé ou ont été
porté disparus, tués et torturés par les militaires. Les hommes et les femmes
issus des familles modestes ont été très fortement atteints par la répression.
Le coût en pertes de vies est une plaie ouverte dans le tissu social que le
temps n’arrive pas à soigner. Les militaires ont imposé la doctrine de «
la sécurité Nationale » pour faire face à la menace marxiste. L’idéal
d’une société avec une justice sociale reste encore dans la mémoire d’un peuple
qui n’oublie pas le sang versé.
Dans un deuxième temps, la politique menée
par Pinochet considérait une stratégie conçue par Milton Friedman. Considérant
que l’État n’était pas en mesure d’entreprendre des initiatives économiques
d’envergure, le gouvernement ouvrait la porte aux privés pour collaborer dans
la fonction publique. Le Chili s’est converti en champ d’expérimentation des politiques néolibérales dans les domaines de
la santé, dans le système des pensions et dans l’éducation. À partir des années
80 le pays développe des privatisations qui consistent à subventionner les
prestations des particuliers dans ces domaines.
[1] Entre 1964 et 1970 a gouverné
Eduardo Frei, représentant de la Démocratie Chrétienne, parti politique du
centre inspiré de l’Humanisme Chrétien de Jacques Maritain. Son slogan était
celui d’une Révolution en Liberté.
[2] Salvador Allende avait gagné
l’éléction présidentielle mais sans la majorité. Le système ne prévoyait pas de
ballotage. Le Parlement devait choisir entre les deux principaux candidats. Le
Parlement après la signature d’un accord du respect aux garanties
constitutionnelles a investi Allende comme le premier président socialiste arrivé
au pouvoir par une élection démocratique. Le slogan de sa campagne était celui
de la « révolution avec saveur au vin rouge et empanada » qui
représentait l’originalité de la voie chilienne. (1970-1973)
[1] La semaine du 14 au 17 octobre un
mouvement social d’étudiants du secondaire avait appelé éviter les contrôles du
métro. Le vendredi 17 le désordre est devenu plus violent avec des pillages dans
les rues. Le gouvernement a établi l’état d’exception et le couvre feu avec la
présence des Forces Armées dans les rues pour garantir l’ordre public.
[2] L’augmentation du ticket du métro
en 0,038 euros représente environs 1,5 euros par mois pour une personne qui
prend tous les jours le métro pendant 20 jours. Selon un reportage de la BBC,
le transport représente le 30% du budget d’une famille modeste. Pour une
famille plus aisée cela représente seulement le 2%.
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