Un Zorro saute sur un cochon
En 1973 le pays vivait une situation très délicate. Les syndicats du transport routier avaient commencé une grève nationale due à la situation économique. Les prix flambaient, la monnaie nationale était dévalorisée et l’on ne trouvait rien à manger. La situation dans les villes se dégradait de plus en plus avec des heurts entre les partisans du gouvernement d’Allende et ses opposants. En cette période perturbée, ma famille avait décidé de partir à la campagne, chez ma grand-mère[1], près de Puerto Montt, à 1 000 km au sud de Santiago.
J’avais 6 ans et j’aimais sortir dans les champs aider
mon oncle à réparer les haies, aller chercher les animaux, regarder ma tante
faire du beurre avec le lait des vaches, aller donner les restes des repas aux
cochons et nourrir les poules, les oies et les canards.
Le soir arrivé, nous étions tous réunis autour de la
table pour manger, chauffés avec la cuisine à bois, éclairés par quelques
bougies pour écouter les histoires de terreur de l’oncle ou celles plutôt
drôles de ma tante.
Les jeux n’existaient pas. Pas de voitures ou de soldats
de plomb. Dans cette période difficile, ils étaient un luxe interdit pour notre
discrète économie familiale. Il fallait jouer avec les moyens du bord et j’en
avais trouvé. Parfois les piles usées de la radio de mon oncle formaient un
bataillon de soldats. Les bobines des fils à coudre servaient pour construire
des tours. Mais, dehors, dans les champs il y avait une multitude d’éléments qui
m’attendait pour inventer des jeux. L’été de cette année, j’avais utilisé des
ronds d’arbre pour construire une maison avec deux pièces, une porte et des
fenêtres.
J’aimais grimper aux arbres, les pommiers étaient ma
prédilection. D’une petite taille, ils étaient faciles à monter. Une fois
là-haut, je me donnais un banquet en mangeant les petites pommes, riches en
saveurs acides et sucrées. L’été, mon oncle élaborait du cidre avec.
Après le déjeuner, tous les adultes allaient faire une
sieste. Avec mon frère et ma soeur, nous devions nous occuper tous seuls sans
faire de bêtises. Ma petite soeur, plus sage, préférait rester près des tendres
et calmes poussins. Mon frère ainé, très actif, cherchait une activité qui
pourrait épuiser son énergie, mais parfois il ne trouvait rien à faire, ce qui n’aidait
pas à la paix dans la maison.
Une après-midi, je suis parti tout seul dans le champ du
voisin qui avait des pommiers. Comme d’habitude je suis monté sur un tronc d’arbre
comme si c’était un cheval. Du haut de l’arbre je voyais les cochons qui se baladaient
aussi autour des pommiers.
Je voyais que les cochons mangeaient les pommes qui
tombaient des arbres. Au même temps, je me suis rappelé de Zorro qui était en
haut d’un toit d’une maison et qui appelait son cheval pour d’un coup sauter
sur lui et sortir du danger en galopant.
Et si moi, je devenais Zorro et au lieu d’un cheval, je
montais sur un cochon ? me disais-je en moi-même. Il fallait bien penser
le truc pour éviter que le cochon sente ma présence sur l’arbre. Si j’arrivais
à faire tomber des pommes juste en dessous de ma position, je pouvais sauter
sur l’animal. Et une fois sur lui, quoi faire ? Je ne pensais plus. Le
grand cochon s’approchait faisant le bruit qui le caractérise. « Il est
vraiment cochon cet animal » !. Trop occupé à manger il n’avait pas senti ma présence. Allez, allez il est là, ne
perd pas une seconde, saute ! je m’encourageais, intérieurement. Mon
calcul était excellent car je tombai assis sur le dos du grand cochon. Il commença une course féroce entre les
arbres en poussant des cris comme si le ciel était tombé sur lui. Aussitôt la
course avait commencé que mes deux bras embrassaient son cou. Je me tenais très
fort à l’animal et ses poils hérissés touchaient ma joue. Il courait en zig zag
entre les arbres ce qui me fit perdre ma stabilité. La course n’a pas duré
longtemps et j’ai fini par tomber devant un arbre. J’ai sauvé ma tête pour peu
d’un grand coup contre un pommier. Je me suis mis debout, orgueilleux de mon
exploit et en même temps la réalité me montrait qu’il s’agissait d’une aventure
qui aurait pu se finir mal.
[1] La maison était situé à sur le
chemin communal V-46, à 2,4 km de la station Rio Frio. https://www.google.com/maps/dir/Estaci%C3%B3n+R%C3%ADo+Fr%C3%ADo,+Los+Muermos,+Chile/-41.32406,-73.462302/@-41.3144963,-73.4663392,2355m/data=!3m2!1e3!4b1!4m9!4m8!1m5!1m1!1s0x9617fe2f665a5791:0x38f79400d24a55bd!2m2!1d-73.4531689!2d-41.3049502!1m0!3e0
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