L´éloge de la jeunesse


A partir de la lecture du livre « Cette vie qui dure l’espace d’un cri », polar écrit par Hubert Hervé, je me suis posé des questions sur la jeunesse et les évènements de Mai 68. Avec ces questionnements j’ai lu un second livre, « La France d’hier » écrit par Jean Pierre Le Goff pour me permettre une compréhension plus exacte de l’histoire de France à cette époque. Cette dernière lecture a donné lieu à une réflexion plus personnelle sur la jeunesse comme stade de vie et les défis éthiques et politiques qu’elle est capable d’engager. Le portrait de Greta Thunberg apparaît comme un symbole d’une nouvelle contestation pour l’avenir.

Hubert Hervé est un ancien cadre de La Poste et l’auteur d’une dizaine de romans. Dans « Cette vie qui dure l’espace d’un cri » il raconte une histoire adolescente entre Léo et Adélaïde, tous les deux amoureux, dans les rues de Paris, participant aux manifestations de Mai 68. Au milieu du chaos, les deux jeunes, vont se livrer à leur passion. Léo tombe gravement blessé après une charge des gendarmes et Adélaïde essayera de le contacter à l’hôpital sans succès. Leurs chemins vont s’éloigner mais la semence plantée dans les rues de Paris grandira pour se venger de l’égoïsme et de l’insouciance de Léo. Cinquante ans après, Léo dirige « Les éditions Élarri » son entreprise familiale étant veuf depuis 7 ans. La tragédie s’acharne sur cette famille qui subit des meurtres et ses membres sont soupçonnés de les avoir comis. L’enquête, mené par le capitain Emile Lacontelli et son adjudant Carine Lemoine, pleine d’intrigues se succèdent au bord du golfe du Morbihan. L’auteur décrit avec aisance les paysages typiquement bretons, avec ses gens, ses villages, les marchants et la vie quotidienne parfois méconnus en dehors de la station estivale.

J’ai eu le plaisir de lire ce polar et les intrigues et secrets qui nous mènent à découvrir les motivations des crimes. La succesion des personnages et les histoires de vie de chacun, en particulier celles des gendarmes, qui est pleine d’humanité, suscitent l’attention du lecteur jusqu’au bout de l’enquête. A la fin du livre j’ai trouvé inévitable de me poser la question si l’histoire racontée portait un jugement de condamnation sur ces évènements, et particulièrement d’une jeunesse insouciante et en rage contre les anciennes moeurs. De manière consciente ou inconsciemment, Hubert Hervé met devant nous l’histoire des deux adolescents, désireux d’aventure et de passion, provoquant une réflexion sur la dimension éthique, politique et sociologique des évènements.
Plongé dans ces questionnements je me suis submergé dans « La France d’hier » écrit par Jean Pierre Le Goff, philosophe et sociologue, qui a réuni un ensemble de récits étant lui même un acteur qui a vécu pleinement les changements culturels des années 50 à Mai 68. Il écrit son texte en trois parties, commençant par l’enfance des années 50 qui n’ayant pas connu la guerre était pour certains des enfants gâtés. Il repasse la vie de la province rurale très austère, la discipline à l’école òu l’enfant devait se préparer pourà l’âge adulte, l’éducation parentale qui cherchait à garder les règles sociales et une présence pesante de l’Église dans la société.
Dans la deuxième partie, il raconte les grandes transformations du progrès avec l’arrivée d’une usine nucléaire à Cherbourg, les nouveaux biens de consommations et l’ouverture de la société aux loisirs. Le progrès désiré par le gaullisme était celui d’une modernité qui s’affirmait dans une volonté forte pour avancer en évitant le désordre. De son côté, l’adolescence visait son intérêt sur les nouveaux rythmes comme le rock anglais, le twist ou le jazz en se débarrasant des ennuis de l’époque. Ses notes prises à l’école pendant les cours sont très intéressantes pour comprendre la rigeur qui étouffait un esprit qui avait envie de dépasser les traditions.
Dans la partie finale, l’auteur contextualise les lectures de Prévert et de Boris Vian, parmi d’autres, qui invitaient à vivre intensément. En parlant de Bob Dylan il explique son influence : « Par la musique et par les mots, il a su mettre en forme une vision noire du nouveau monde, une subjectivité et une imagination fantasque qui entraient en résonance avec la sensibilité du « peuple adolescent » » (p.351). D’ailleurs, l’université restait un lieu de prestige pour former l’élite du pays mais un décalage s’ouvrait pour la nouvelle génération issue après la guerre. L’existencialisme et le nihilisme commençait à faire sentir ses influences sur une jeunesse désenchantée.
Le sociologue procure tous ces éléments pour signaler que les évènements de Mai 68 n’appartient à personne. Le gauchisme culturel ayant vécu Trente Ans Glorieux de réivindication donnait la place à une conservaturisme de droite qui réaffirmait « l‘importance de l’autorité et de la transmission d’un héritage politique et culturel issu d’une longue histoire nationale » (p.14). L’auteur exprime aussi que « l’adolescence va a devenir un nouveau modèle social de comportement » (p.448). Je retiens par là que le mode de vie de la  jeunesse non seulement constitue un stade crucial dans le développement de la personne, mais que les jeunes sont des acteurs sociaux et politiques qui jouent un rôle fondamental dans le devenir de nos sociétés.
Arrivé à ce point, j’ai pensé que la jeunesse décrite par Hubert Hervé était une caricature un peu amère des histoires de jeunes qui s’étaient engagés dans les transformations sociales de l’époque. Je clarifie en tous les cas que cette analyse est un point de vue personnel qui ne correspond pas peut-être à l’intention du livre et même de l’auteur.
Dans cet état d’esprit j’ai voulu donner mon opinion par rapport à la jeunesse dans le contexte des annés 60 non seulement en France mais aussi en Amérique. Premièrement, je pense que dans d’autres régions du monde il y a bien eu une jeunesse qui a su prendre sa place dans l’histoire. En Amérique Latine, par exemple depuis les années 50, les problèmes de répartition de la terre, la pauvreté urbaine, la précarité de la classe ouvrière et l’exclusion sociale touchaient la sensibilité des universitaires qui se préparaient pour devenir des acteurs sociaux, saturés des discours et avides de transformations.
En pleine guerre froide entre l’Est communiste et l’Ouest capitaliste, la révolution cubaine, tout près de la grande puissance américaine, immortalisait le Che Guevara comme le symbole d’une jeunesse radicalement engagée. Aux États Unis, Marthin Luther King levait le drapeau de la voie pacific pour manifester les droits civils contre la ségrégation raciale. Un autre mouvement de contestation surgira avec la guerre au Vietnam. Un mécontentement un peu partout dans le monde commençait à grandir à l’égard de la politique internationale des États Unis.
La jeunesse devenait de cette manière une figure iconoclaste qui vit intensément leurs vingts ans, comment chantait Léo Férre dont un extrait de sa chanson a donné lieu au titre du polar d’Hubert Hervé. Parfois trop hédoniste, rebelle, insouciante, idéaliste ou contestataire, la jeunesse n’a pas cessé de recevoir des stéréotypes qui accentuent un style de vie bien différente de la génération de leur parents, mais qui sait prendre la parole pour dénoncer nos contradictions et nos propres hypocrisies. J’apprécie la volonté d’une jeunesse enthousiaste qui met en premier les valeurs de la justice et de la solidarité.
Vivre intensément la vie à vingts ans comme si le monde allait s’effondrer, c’est aussi avoir la volonté de risquer la propre sécurité comme le font ceux qui naviguent la Méditérranée pour sauver les vies de milliers d’inmigrants qui cherchent un port pour débarquer et échapper du danger. C’est l’enthousiasme des jeunes artistes, musiciens et comédiens de différents cultures qui se retrouvent à créer ensemble des spectacles, sans avoir peur de la rencontre. C’est la forte conviction de jeunes qui secouent les rues à Hong Kong pour manifester en faveur de la liberté d’expression, un élément essentiel pour la démocratie. C’est aussi l’espérance des jeunes qui appartient aux peuples autochtones qui crient pour la dignité de leurs langues et coutumes. C’est l’amour de jeunes qui s’engagent au Christ malgré la situation difficile que traverse l’Église à cause des scandales de pédophilie. J’aime cette jeunesse héroïque qui se rend au service d’autrui, qui n’a pas peur de mettre la main dans la boue et qui construit un monde plus humain.
Je reconnais aussi que nous pouvons rester parfois accablés et découragés par certaines expressions nihilistes ou individualistes. En partageant la vie avec eux nous avons le droit de nous interroger sur leurs motivations et projets et en même temps à les pousser pour aller encore plus loin de leurs forces.
Je prends l’exemple de l’activiste Greta Thunberg, adolescente de 16 ans qui est partie aux États Unis pour participer à la Conférence de Nations Unis pour parler du désastre écologique provoqué par l’homme. Récemment invitée à l’Assamblée Nationale elle fait partie de cette génération que demande une action plus forte pour changer les politiques environnementales. Critiquée pour quelques uns pour ses propos trop alarmistes et de son jeune âge, elle représente une voix authentique des jeunes de XXI siècle. Elle dit en « Rejoignez-nous » : « Certains disent que nous nous battons pour notre futur, c’est faux. Nous ne nous battons pas pour notre futur. Nous nous battons pour le futur de tout le monde. Et si vous pensez que nous ferions mieux d’aller à l’école, alors nous suggérons que vous nous remplaciez dans la rue, que vous fassiez la grève vous-même. Ou plutôt, que vous nous rejoigniez pour accélérer les choses » (p.26).
Habitués à avoir un monde dirigé par les hommes adultes, certains méprisent son discours. Elle a prit la place qu’il fallait pour nous faire réagir. Elle me fait penser à la rencontre du Petit Prince avec l’homme d’affaire qui trop occupé par ses obligations ne pouvait pas faire autre chose. La jeunesse n’est plus l’avenir, elle est une réalité présente, avec toutes ses qualités, ses défauts et ses questionnements.
J’ai commencé par la lecture d’un roman tout simplement et celui-ci m’a fait parcourir d’autres chemins, d’autres écrivains et personnalités. A vous maintenant de réagir, la balle est dans votre camp.

Bibliographie
Hubert HERVÉ, Cette vie qui dure l’espace d’un cri, Mané Huily, 2017
Jean Pierre LE GOFF, La France d’hier. Récit d’un monde adolescent des années 1950 à Mai 68, Flammarion, 2019.
Greta THUNBERG, Rejoignez-nous, Editions Kero, 2019.

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