Les 5 sens.
Nous partons pour
un concert d’orgue à l’église d’Arradon. Avant d’entrer nous faisons une petite
visite au marché.
Vous dégustez un
morceau de nougat. Le mot « succulent » sort vite de votre bouche. Vous
dites que la saveur va vous accompagner toute la journée. Le jeune marchand se
méfiant de votre humour vous répond que vos expressions ne feront pas la
réduction du prix.
Après les adieux
en breton et en allemand nous partons avec le bonheur dans la bouche. Mais dans
le marché il y a aussi des formes et des couleurs qui attirent votre attention.
Vos yeux sont
captivés par de petites formes qui apparaissent et vous sortez des expressions
« Ils sont mignons tous ces petits », « plus grands, je suis sûr
qu’ils seront polytechniciens ou sciences po ». Les enfants vous offrent
des sourires et des regardes qui vous comblent.
Vous aimez ces
moments dont les objets revivent comme les petites vagues sur la cale d’Arradon
qui reflètent le ciel bleu d’une belle journée.
Vous demandez où allons-nous ?
Je vous réponds : au concert d’orgue et cela vous fait chanter le Salve
Regina. Vous êtes fier de le chanter. Je suis soucieux et je vous dis que dans
l’église il va falloir se taire pour ne pas déranger les gens.
Ca y est !
Nous sommes dans l’église et vous croisez des mots avec un autre François.
L’échange se fait par courtes phrases et rapidement vous arrivez à dire une
fable de La Fontaine. Les voisins devant nous en entendant se mettent aussi à
répéter. Vous avez un air heureux et des sourires apparaissent rapidement.
Aussitôt on se
tait, le concert va commencer. Bach, avec sa fugue, résonne forte dans le
bâtiment en pierre. Votre corps réagit à la proposition en bougeant la tête et
les mains. Vous fermez les yeux et vous vous imaginez directeur d’orchestre.
Les sons de l’instrument nous font naviguer, vous, peut-être, dans un rêve que
vous ne pourrez pas nous raconter après et moi dans une émotion qui parcoure
des souvenirs précieux. J’essaie de voir avec les yeux et le cœur ce qui pour
moi n’a pas d’explications. Il y a quelques années vous demandiez des
précisions sur le pays, le travail et la famille. Aujourd’hui, vous demandez
nos attentions, patientes et délicates.
Le concert
continue avec des airs plus violents, des changements brusques et difficiles à
suivre. Dans un premier mouvement d’Haendel vous me dites que c’était presque
un Salve Regina. Je ne suis pas certain. On applaudit quand même. Vous faites
du mieux avec vos mains. Elles tiennent un mouchoir que vous empêche de bien
faire ce mouvement.
Vos grandes
mains, que, auparavant, vous utilisiez pour construire et réparer, se reposent
sur vos genoux. De temps en temps suivent le rythme de la musique comme vous
faites pour jouer au ping pong. Le corps a une mémoire qui'il lui est difficile
d’oublier. Les réflexes sont là pour démarrer un jeu et faire un coup terrible
avec la gauche. Point pour vous, grâce à un smatch qui lance la balle à la
droite de l’adversaire quand il l’attendait à sa gauche. Des mains qui
réservent une place pour votre femme à côté de vous quand nous sommes à table.
Dans le concert,
le musicien interprète une mélodie dite « aux anges devant la présence de
Dieu », mais on entend un battement terrible de leurs ailes. Pour sauver
la situation, il nous offre une dernière pièce plus douce. On passe des anges
aux poissons, on dirait. Les sons aquatiques vous font plaisir et vous en êtes
très conscient, parce que vous le dite avec détermination.
En rentrant à la
maison vous me dites merci pour cette sortie que vous avez trouvez formidable.
Je vous réponds que c’est moi qui vous remercie de m’avoir accompagné. Petit
mot simple de remerciement qui me touche par la conscience que vous avez quand
on vous rend service. Petit mot que nous oublions facilement de dire pour un
moindre service.
Et nous finissons
avec un jeu de scrabble pendant deux belles heures sans que vous me demandiez
qui suis-je. Votre seul souci était d’être loin de votre Annick. Nous finissons
et vous me serrez la main. Peut-être, vous avez oublié le marchant qui vous a
offert le nougat ce matin, mais la promesse de garder la saveur dans la bouche
nous a accompagnée toute la journée.
On fait ce qu’on
peut, on n’est pas des bœufs !
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